La loi n’était pas de son côté, mais Elodie Tuaillon-Hibon n’a pas hésité à dire oui lorsque des femmes ont commencé à lui demander de l’aide fin 2017.
Ce dont ils avaient besoin : quelqu’un pour poursuivre leurs plaintes pour agression sexuelle contre des personnalités de premier plan telles que l’acteur Gérard Depardieu et le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Tout aussi important : quelqu’un qui comprendrait sa douleur.
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« Je suis féministe », s’est dit Tuaillon-Hibon. « Je traiterai ces cas différemment. »
Parmi eux, croit-elle, figure Depardieu, 72 ans. Sa cliente est une actrice dans la vingtaine dont le nom n’a pas été rendu public. La jeune femme allègue que Depardieu l’a violée à son domicile parisien à l’été 2018 — une affaire qui a également été abandonnée, puis rouverte après que Tuaillon-Hibon ait demandé que les preuves soient réexaminées. Des accusations contre Depardieu ont été déposées en décembre.
Il en va de même pour Darmanin, qui est accusé d’avoir violé une femme nommée Sophie Patterson-Spatz en 2009 alors qu’il siégeait au conseil d’une petite ville du nord de la France. Patterson-Spatz a déclaré que Darmanin l’avait forcée à avoir des relations sexuelles en échange de l’avoir aidée dans une affaire juridique. L’affaire a été classée sans suite en 2018, mais Tuaillon-Hibon a réussi à la faire ressusciter en juin dernier. Quelques semaines plus tard, Darmanin est nommé ministre de l’Intérieur et mis en charge de la police nationale — la force qui gère son enquête.
Le coup de sonde n’est pas conclu, et le président français Emmanuel Macron continue de défendre sa nomination.
Avec cela, l’avocat réservé et doux est passé sous les projecteurs. Les rôles du sexe, du pouvoir et du consentement sont depuis longtemps flous dans la société patriarcale française, le harcèlement étant souvent considéré davantage comme de la séduction. Des femmes éminentes telles que l’actrice Catherine Deneuve ont critiqué le mouvement #MeToo du pays, connu sous le nom de #Balancetonporc, qui se traduit par « couine sur ton cochon », comme excessif et nuisible.
Pourtant, Tuaillon-Hibon, 46 ans, a poussé de l’avant. Elle a remporté son premier grand appel le mois dernier, une affaire dans laquelle l’ancien ministre du gouvernement Georges Tron a été accusé d’avoir forcé deux employées à le laisser masser leurs pieds, puis de les avoir agressées sexuellement. Tron a été initialement autorisé en 2018. La cour d’appel a infirmé la décision, estimant que la « gravité des accusations » méritait une condamnation, et a prononcé une peine de cinq ans pour viol et agression sexuelle.
« Le problème, c’est qu’il y a tellement de Trons en France », a déclaré Tuaillon-Hibon début mars.
Certains hommes, dont le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, critiquent le mouvement comme allant trop loin. L’élan prend cependant de l’ampleur.
Bien que le pays interdise les relations sexuelles entre un adulte et un mineur de moins de 15 ans, il n’y a pas d’âge minimum pour le consentement. Le gouvernement a déclaré le mois dernier qu’il « agirait rapidement » pour modifier les lois afin qu’un adulte qui a des relations sexuelles avec une personne de moins de 15 ans soit accusé de viol. L’annonce est intervenue un jour avant que la plus haute cour d’appel de France n’examine l’affaire de trois pompiers qui reconnaissent avoir eu des relations sexuelles avec un adolescent de 13 ans gravement troublé. Le tribunal a statué mercredi que les hommes ne seront inculpés que d’agression sexuelle.
Mme Tuaillon-Hibon espère que son travail encouragera d’autres changements au code juridique qui permettront aux victimes de se manifester plus facilement. Même aujourd’hui, les femmes qui prennent la parole risquent souvent leur travail et plus encore.